Il y a quelques mois, j’ai rencontré Louisiane C. Dor à l’occasion de la parution de son premier roman : Les Méduses ont-elles sommeil ? Elle y retrace le parcours d’Hélène qui une fois arrivée dans la capitale plonge dans la drogue dure. Pour exister en littérature il faut savoir nager en eau infestée de requins. Son roman promettait un succès, il est maintenant confirmé. C’est donc l’heure du bilan.

Que l’on soit attiré par la lumière, habité par un besoin de reconnaissance, la MDMA et la cocaïne donnent l’occasion de vivre dans les yeux du beau monde. Ça ne dure jamais longtemps. Après le lycée, Louisiane C. Dor quitte son Limousin natal pour une nouvelle vie à Paris, son quotidien prendra une tournure qu’elle n’avait pas du tout envisagée. Peu de temps lui suffisent pour côtoyer les lugubres paillettes de la nuit.

L’auteur et son protagoniste, Hélène, se ressemblent indéniablement, elles ont connu les folies passagères de la nuit et les douloureux retours à la réalité. Hélène est peut-être une doublure de papier, quoi qu’il en soit, ce roman reste une autofiction plutôt réussie où l’on retrouve les déboires existentiels de la post adolescence. « Il a été considéré à tort comme un témoignage, on s’intéresse beaucoup trop au sujet plutôt qu’au livre lui-même. Le sujet principal est la vie d’Hélène, son quotidien. On m’a dit que c’était risqué. Les personnes qui ne l’ont pas lu pensent que c’est vu et revu. Je crois que le plus important ce n’est pas les histoires, ce sont les manières de les raconter » .

Louisiane C. Dor a le mérite d’être une des premières à parler de la MDMA qui est aujourd’hui largement répandue. Depuis cette sombre période de débauche parisienne, elle a changé et quitté son berceau maudit : « Je suis partie très loin de la vie dépeinte dans le livre. J’ai quitté Paris pour aller dans un village rustique au Brésil. Regarder la vie de loin permet de se rendre compte des choses comme si on était une personne extérieure».

Profitant de m’entretenir à nouveau avec la romancière, je lui demande quel regard porte-t-elle à présent sur ce monde des festivités nocturnes : « depuis que je suis revenue j’ai toujours le même regard sec sur les soirées poudreuses. Ça m’agace. J’aimerais y être indifférente mais ça m’agace. Mon livre, je pense toujours autant ce que j’y ai dit, mais si je l’avais écrit aujourd’hui, je n’aurais pas écrit le même livre. Je me serai passée de certaines phrases clichées et peut-être de certaines morales ».

Lors de notre premier entretien, elle m’avoue être perfectionniste en écriture, elle porte un regard dur sur son travail, l’exigence fait place au doute mais nous pouvons compter sur ses lecteurs pour lui donner confiance. « J’essaye d’écrire le second mais je suis tellement maniaque que je recommence sans cesse. Quand je cherche un thème, je dois être transcendée par le sujet pour lequel je ne pourrais plus m’arrêter. Je n’ai pas encore une grande confiance en moi pour savoir si j’ai vraiment le talent pour en écrire d’autres. Je suis en train de mûrir, ma façon de m’exprimer change alors je n’aurai pas le même ton. »

Aujourd’hui, le second roman avance à grands pas, il sera « beaucoup plus dérangeant » assure-t-elle. En attendant pour ceux qui veulent nager avec les méduses sans se faire piquer, le roman sera édité dans la collection Folio le 13 avril.

Texte : François Gaugry        Illustration : Supermilius via Flickr