Personne n’est obligé d’affronter ses démons, Deuklo a préféré en devenir un. Il incarne plusieurs facettes, à la manière du Joker, il aime l’ambiance du chaos et cultive sa désinvolture teintée d’un humour acide. L’artiste vient de sortir son premier album tout naturellement intitulé « Clyde ». Diamond2klo s’est livré sans concession pour mettre de la lumière sur son personnage désenchanté.

Sous ses airs de rappeur crooner déjanté, il dégage très vite une sympathie qui donne l’impression de le connaître comme un vieil ami. D’emblée, il m’explique que « la frontière entre Claude et Diamond2klo est en même temps grande et mince. On a tous un côté un peu dégueulasse, je le laisse s’accentuer. Je parle de choses inavouables, de pensées malsaines qui sont réprimées par la société. »Lui-même décomplexé, il sait mettre à l’aise, il s’autorise dans ses textes à nous balancer des images que notre cerveau aurait préféré éviter. Même si dans son album les références paraissent davantage autobiographiques, il dévoile une vision plus sentimentale que ses premiers titres (Italove, L’amour).

Son style d’écriture repose sur un savant mélange de sincérité et d’egotrip. Il procure parfois un effet de gêne, d’hilarité et de provocation, ce qui n’est pas évident à assumer selon les circonstances : « Tout le monde ne connaît pas mon travail et là ça peut être gênant. Quand on me cite des punchlines devant des personnes qui ne savent pas ce que je fais, c’est difficile tu vois. J’avoue, quand tu entends certaines de mes phrases citées hors contexte, c’est super chaud (rires). »

Marqué par l’omniprésence de la culture américaine, il a choisi de tourner des clips à New York ou Philadelphie. « On a grandi avec son impact. Quand on était gosse c’était pire qu’aujourd’hui, ça nous bousillait la tête. 90% de ce qu’on voyait était américanisé. » Ado, il se marrait devant les films d’Eddy Murphy et faisait des vidéos de roller à Alençon. Au lycée, il se lie d’amitié avec Orelsan qui lui donnera plus tard un rôle dans son long métrage (Comment c’est loin). Contrairement à ce dernier, il ne prend pas tout de suite la musique au sérieux, il se contente d’accumuler des textes qui deviendront les pépites verbales que nous connaissons.

Clyde se cache, Deuklo se révèle. Comme un élément perturbateur qui aime gâcher la fête, il déconstruit les illusions de notre époque. « Je kiffe les films de Disney ! Je ne fais pas forcément attention à la manière dont les autres vont le percevoir. Ils ont eu un impact sur ma vie, ça me rappelle l’enfance, noël mais mon côté dégueulasse reprend le dessus. Si tu fais référence à « le Capitaine saute Wendy devant Peter » (De la neige), ça casse bien la féérie, je préfère te le dire et bien correctement (rires).

Force est de constater que les stupéfiants occupent une place importante dans sa musique. Je le questionne sur le sujet, il me répond en toute franchise : « À ton avis, pourquoi j’évoque la drogue ? Parce que j’en ai pris beaucoup à une période de ma vie. Le tout, c’est de ne pas être trop fracassé pour être capable de travailler, faut se modérer. J’ai pris toutes les drogues du monde, la plus sournoise reste l’alcool. Par contre, je vais te dire un truc, j’en ai vu beaucoup se péter la gueule à cause de ça. Je suis allé loin dans le délire, j’en ai vu un paquet qui n’en sont pas revenus. Tu ne sens pas le danger quand tu es jeune mais si tu savais le nombre qui sont devenus des merdes mon pote. » Claude prend de la hauteur sur ses excès, il en parle avec le ton bienveillant d’un grand frère.

Le baroudeur effarouché de près de 40 ans n’a rien inventé chez lui, il ne triche pas. Rien n’est artificiel, il ne joue pas un personnage, il est simplement lui-même avec une dose d’exubérance. On attend ses concerts avec impatience mais il va falloir être patient, aucune date n’est annoncée. Pour le moment, procurez-vous son album directement sur son site : https://diamond2klo.us/

Texte : François Gaugry

Photo : Hugues Poulanges